Épisode 10 – Doit-on renoncer à la sécurité pour se sentir libre?

Épisode 10 de l’infolettre audio L’art d’être humain, animé par Pascale Dufresne.

Doit-on renoncer à la sécurité pour se sentir libre?
Notre besoin de sécurité (émotionnelle, relationnelle, matérielle, financière) est profondément humain et fondamental. Doit-non renoncer à une forme de sécurité pour se sentir libre?

Plan de l’épisode:

  1. Introduction: Se laisser choisir? Ou choisir?
  2. Le besoin de sécurité
  3. Une métaphore: le voilier des besoins
  4. La tension entre besoin de sécurité et aspiration à la liberté
  5. Réconcilier sécurité et liberté: Comment faire?
  6. Conclusion: Le coeur est un oiseau

Sources:

1Scott barry Kaufman. Transcend: the new science of self-actualization
https://scottbarrykaufman.com/books/transcend/

²Le coeur est un oiseau. Album: les derniers humains. Richard Desjardins, 1988.

Pour écouter cet épisode :

Transcript de l'épisode
Introduction: Se laisser choisir? Ou choisir?
Lorsque je facilite des sessions de groupe avec des leaders, je les invite à former des sous-groupes de deux ou trois personnes, à aller intuitivement vers ceux avec qui ils ont envie d'échanger. C'est un moment qui peut paraître simple, voire anodin, un moment que marque une habitude. Mais comme je dis souvent: Tout, tout, est objet d'apprentissage!
Je les invite donc, dans cet élan, à être à la fois acteur observateur d'eux-mêmes. Et de se demander... Suis-je en train d'attendre, de me laisser choisir? Ou bien suis-je en train de choisir? Alors souvent, cela déclenche une surprise, une prise de conscience! "Ah tiens! Me voilà en train d'avoir peur de ne pas être choisie... de demeurer la seule personne qui n'est pas en sous-équipe, d'être choisi en dernier." Ou bien "J'aurais bien aimé être en équipe avec cette personne, mais est-ce que ça sera réciproque?... qu'est-ce que j'ai à lui apporter?"

Je me rappelle ces moments dans la cour de récréation où l'on formait des équipes pour jouer au ballon (Ça vous dit quelque chose? 🙂 ) . Le pire cauchemar était d'être choisi en dernier, comme si toute notre valeur dépendait de ce moment crucial. Être choisi en premier c'était faire partie de la gang des "cools", non? :)

C'est peut-être dans ces moments du quotidien de notre enfance, ou d'autres moments, significatifs, douloureux, que s'imprègne encore plus en nous cette idée qu'être choisi, c'est plus sécuritaire.

Et nous transportons cela à l'âge adulte. Ha, attendons, voir, s'ils veulent de moi... Je ne suis pas sûr(e) d'avoir ma place ici, je vais attendre qu'on me sollicite. Je préfère qu'ils fassent le premier pas, on verra bien s'ils ont envie de me connaître. Je ne veux pas m'imposer, s'ils ont besoin de moi, ils viendront me chercher. Suis-je assez bon.ne pour m'inclure dans ce projet ou cette conversation?
Autant nous voulons être inclus, appartenir, nous attendons passivement de l'être... parce que être choisi, c'est recevoir une confirmation rassurante de notre valeur.
Cet instant de choix ou de non-choix révèle en fait un dilemme existentiel :

Comment être fidèle à nos élans et aspirations ET en même temps répondre à notre besoin fondamental de sécurité ?

Le besoin de sécurité
Pour certains, davantage que pour d'autres, nous avons une peur du rejet qui parle de notre nature sociale. Nous voulons par exemple être en relation sécuritaires avec des personnes qui nous aiment, nous choisissent, nous valorisent, des gens qui nous ressemblent. Nous avons besoin d'être en sécurité émotionnelle et relationnelle.

N'y a t-il pas quelque chose de profondément vulnérable dans le fait de nommer son besoin de sécurité. C'est un peu comme exposer à l'autre sa soif d'amour, de reconnaissance et de validation. C'est tendre la main en espérant que quelqu'un la saisira. En tous cas, ce le fut et ça l'est encore pour moi dans mon expérience... avouer, m'avouer aussi!, que j'avais, à cause de mon histoire de vie, un grand puit sans fond, un besoin presque insatiable de sécurité relationnelle, était très vulnérable, mais à quelque part, une nécessité pour créer des liens authentiques et solides.

Je trouve qu'il y a aussi un grand courage, une belle humanité dans cet élan. Parce que c'est avouer qu'on ne se suffit pas à soi-même, qu'on est fait pour la rencontre, pour le lien. C'est plonger dans le risque de la relation, avec ce qu'elle comporte d'imprévisible et d'incontrôlable.

Et en plus de la sécurité émotionnelle et relationnelle, il y a notre rapport à la sécurité matérielle, financière, qui est en jeu ici. Combien de fois avons-nous renoncé à un projet, à un rêve, par peur de perdre cette sécurité ? Combien de fois avons-nous choisi la voie de la raison, du confort, plutôt que celle de notre passion, de notre créativité ?

Nous connaissons tous des personnes (et peut-être que c'est vous-même!) qui nous confient leur désir de se lancer dans une nouvelle carrière, d'exprimer enfin leur art, un passion, partir à l'aventure, se partir en affaire, ou toutes ces réponses hahaha mais qui sont retenus par la peur de lâcher la sécurité d'un emploi stable, d'un revenu régulier. Et c'est très compréhensible! Notre besoin de sécurité est ... f-o-n-d-a-m-e-n-t-a-l !
Nous avons probablement tous déjà été pris dans ce dilemme, d'avoir l'impression de devoir choisir entre notre liberté et notre sécurité.

Mais devons-nous réellement choisir entre Sécurité OU liberté?
Non.
Nous avons besoin des deux. Sécurité ET Liberté.


Une métaphore: le voilier des besoins
La meilleure façon d'illustrer que nous avons à la fois besoin de nourrir notre besoin de sécurité ET celui de liberté nous vient de Scott Barry Kaufman, dans son livre Transcend: the new science of self-actualization.

Il utilise la métaphore du voilier pour représenter la dynamique de nos besoins fondamentaux. Imaginez votre vie comme un voilier. Pour naviguer sereinement et atteindre votre destination, même dans la turbulence, vous avez besoin de deux éléments essentiels : une coque solide et une voile ample.

La coque, c'est votre besoin de sécurité. C'est elle qui assure la stabilité du bateau, qui lui permet de maintenir son cap malgré les vagues et les courants. Sans une coque bien ancrée, bien lestée, votre voilier risque de chavirer au premier coup de vent, de partir à la dérive.

La voile, c'est votre besoin de liberté. C'est elle qui capte l'énergie du vent, qui permet au bateau d'avancer, d'explorer de nouveaux horizons. Sans une voile bien déployée, bien ajustée, votre voilier risque de rester sur place, immobile, incapable de progresser.

Et c'est la coordination harmonieuse de la coque et de la voile qui permet au voilier de naviguer avec fluidité et assurance.

  1. Viser la sécurité à tout prix (attention sur la coque seulement): C'est comme naviguer avec une coque solide mais sans voile. On reste à quai, en sécurité, mais on ne va nulle part, on ne grandit pas. Le bateau est stable, mains on avance pas.

  2. Viser la liberté à tout prix (attention sur la voile seulement): C'est comme hisser la grand-voile sans s'assurer d'avoir une coque solide. On fonce vers l'horizon mais au moindre grain, on risque de chavirer. Le bateau bateau filera vite mais sans maîtrise.

C'est la même chose dans nos vies : nous avons besoin à la fois d'une coque de sécurité bien ancrée et d'une voile de liberté bien déployée.

Et parfois, nous voyons notre besoin de sécurité comme quelque chose qui nous bloque et nous empêche d'avancer. Comme si c'était une ancre, genre. Mais avec cette métaphore, notre vision de la sécurité change! Ça n'est plus ce qui nous retient, ce qui nous fige, mais au contraire ce qui nous permet d'avancer, d'explorer, de naviguer en confiance sur l'océan de la vie. La coque du bateau, c'est finalement ce qui nous protège, ce qui nous donne une assise, une solidité intérieure, tout en nous laissant libres de tracer notre route.

Cela change complètement la façon de penser la relation entre liberté et sécurité. Elles ne sont plus opposées, mais complémentaires, comme les deux faces d'une même pièce. La sécurité devient la condition même de notre liberté, ce qui nous donne le courage et la confiance nécessaires pour oser, pour explorer, pour nous lancer dans l'inconnu.

Quel beau recadrage, non?

La tension entre besoin de sécurité et aspiration à la liberté
Nous naviguons cette tension (Sécurité - Liberté) dès notre tendre enfance et je dirais même depuis notre naissance.

Sécurité émotionnelle - Relationnelle - Matérielle - Financière
Versus
Liberté de choix. Liberté d'agir. Liberté d'être.

Mais, il est important de noter que nous ne partons pas tous du même point dans cette tension entre sécurité et liberté. Notre enfance, notre éducation, les messages reçus de notre entourage ont forgé en nous des besoins et des peurs spécifiques.

Pour certains d'entre vous, l'enjeu principal sera d'apprendre à vous autoriser plus de liberté, à desserrer le contrôle, à oser sortir des sentiers battus. Peut-être avez-vous grandi dans un environnement très normatif, où la sécurité passait par le respect des règles et des attentes. Ou peut-être avez-vous vécu des expériences précoces d'insécurité, de chaos, qui vous ont amenés à vous protéger en vous rigidifiant, en vous restreignant.

Pour vous, le défi sera de vous reconnecter à vos désirs profonds, à votre créativité, de vous autoriser à expérimenter, à prendre des risques mesurés. De faire confiance en votre boussole intérieure, en votre capacité à faire face aux aléas de la vie.

Pour d'autres au contraire, l'enjeu sera d'apprendre à créer plus de sécurité intérieure, à poser des limites, à vous ancrer dans des repères stables. Peut-être avez-vous grandi dans un environnement très permissif, où la liberté était valorisée au détriment de la protection et du cadre. Ou peut-être avez-vous vécu des expériences précoces de sur-responsabilisation, de parentification, qui vous ont amenés à vous sentir en charge de tout, tout le temps.

Pour vous, le défi sera d'apprivoiser votre vulnérabilité, vos besoins de soutien et de stabilité. D'apprendre à recevoir, à faire confiance, à lâcher prise. De vous autoriser à être imparfaits, dépendants, fragiles, sans que cela ne remette en cause votre valeur.

Bien sûr, la plupart d'entre vous oscillez entre ces deux pôles, en fonction des domaines de vie et des étapes. Et il y a mille nuances, mille combinaisons possibles dans la façon dont vous avez intégré ces enjeux de sécurité et de liberté.
L'essentiel est de comprendre qu'il n'y a pas de point de départ idéal, de bonne ou de mauvaise façon d'être. Vous avez tous une part de chemin à faire pour rééquilibrer ces deux besoins fondamentaux, pour les mettre au service l'un de l'autre plutôt que de les vivre comme antagonistes.

C'est un cheminement très personnel, qui vous demande de la douceur, de la patience et de l'auto-compassion. Parce qu'il s'agit de défaire des conditionnements souvent très anciens, de remettre en question des stratégies qui vous ont permis de survivre, de vous adapter à votre environnement.

Mais c'est aussi un cheminement profondément libérateur, qui vous permet de vous réapproprier votre sécurité et votre liberté, de les vivre de l'intérieur plutôt que de les faire dépendre de facteurs externes. De devenir ainsi de plus en plus autonomes, solides et flexibles à la fois.

Alors quel que soit votre point de départ, je vous invite à accueillir avec bienveillance votre façon unique de naviguer cette tension. À honorer vos besoins de sécurité et de liberté, tels qu'ils se présentent aujourd'hui. Et à vous ouvrir pas à pas à une nouvelle façon de les vivre, plus intégrée, plus harmonieuse, plus créatrice.

Mais dans tous les cas, sachez que toute notre existence relationnelle est marquée par ce tiraillement.

D'un côté, il y a cet élan vers l'autonomie, cette aspiration à tracer notre propre chemin selon nos élans singuliers. Choisir, c'est affirmer notre souveraineté, notre droit à orienter notre vie. Nous aspirons à une vie où notre créativité peut s'exprimer, où nous pouvons partir à l'aventure, explorer de nouveaux horizons.

Mais en même temps, sommes-nous réellement prêts à renoncer à la sécurité et au confort d'une vie plus conventionnelle ? À un emploi stable avec un horaire régulier et un salaire assuré à la fin du mois ? À la proximité rassurante de notre famille et de nos amis, à ce sentiment d'appartenance à une communauté ?

C'est une tension humaine fondamentale qui se joue là. Et oui, elle est réconciliable.

Réconcilier sécurité et liberté: Comment faire?
Une partie de vous veut être en sécurité physique, financière, relationnelle et émotionnelle.
Une autre partie de vous veut être libre.

La solution que je vous propose est simple ET complexe à la fois ! :) Le secret ? L'art de vous poser les bonnes questions. De remplacer les "ou" par des "et", et les "mais" par des "et".

Plutôt que de vous demander "Sécurité ou liberté ?", demandez-vous "Comment honorer ma liberté ET ma sécurité?".
Rappelez-vous que la coque de votre voilier doit être solide ET la voile déployée!

Prenons un exemple. Vous avez un choix à faire : rester dans votre emploi stable mais peu épanouissant, ou vous lancer dans un projet entrepreneurial passionnant mais risqué. Si vous vous posez la question "Mon emploi ou mon projet ?", vous vous mettez dans une impasse, une tension binaire.

Mais si vous transformez votre question en "Comment puis-je m'investir dans mon projet (ouvrir ma voile) tout en préservant une forme de sécurité financière (garder ma coque solide)?", vous ouvrez un champ de possibles. Vous pouvez explorer des pistes comme un temps partiel, un congé sabbatique, un partenariat avec un investisseur, etc. Vous cherchez une voie de réconciliation entre votre besoin de stabilité et votre soif d'aventure.

Autre exemple. Vous rêvez de changer d'emploi, mais vous avez peur. Au lieu de vous dire "Je veux changer mais j'ai peur", dites-vous "Je veux changer ET j'ai peur".

Accueillez votre peur, écoutez ce qu'elle a à vous dire sur votre besoin de sécurité. Et demandez-vous : "Comment changer d'emploi en honorant cette peur qui veut ma sécurité ?".

Explorez une transition en douceur. Mettez de l'argent de côté pour un filet de sécurité. Développez des compétences pour renforcer votre employabilité.

Clarifiez vos besoins : de quoi ai-je besoin pour me sentir en sécurité dans mon nouveau job ? Un environnement bienveillant ? Un salaire décent ? Un équilibre vie pro-perso ?

En clarifiant vos besoins et en cherchant des façons créatives de les honorer, vous faites de votre peur une alliée, une boussole pour vos choix. Vous changez d'emploi non pas contre votre peur, mais avec elle, en prenant soin de vous.

Bien sûr, votre peur ne va pas disparaître d'un coup. Changer reste une aventure, avec sa part d'inconnu. Mais en l'abordant avec conscience et bienveillance, vous avancez avec votre peur, vous faites de petits pas courageux vers ce qui compte pour vous.

C'est souvent ainsi que se vivent les vrais changements : pas dans les grandes décisions héroïques, mais dans une succession de petits choix, de petits ajustements qui, mis bout à bout, nous mènent là où notre cœur veut aller.

En changeant votre question, vous changez votre regard, vous ouvrez le champ des possibles. Vous passez du "ou bien, ou bien" au "et, et". Vous cherchez des voies de réconciliation, de synergie entre vos différents besoins.

C'est ça, le véritable art de vivre : embrasser la complexité de votre être, composer avec vos différentes aspirations, inventer des solutions sur mesure qui honorent toutes les dimensions de qui vous êtes.

Oui, ça demande de la créativité, de la souplesse, parfois des compromis. Ça demande d'oser sortir de votre zone de confort, d'expérimenter, de vous tromper aussi. Mais c'est à ce prix que vous tracez votre propre voie vers une vie riche de sens et de saveur.

Alors, dans les différents domaines de votre vie, repérez ces moments où vous vous sentez tiraillés entre sécurité et liberté. Et posez-vous cette question magique :

"Comment est-ce-que... ?". "Comment vivre cette situation en honorant ma sécurité ET ma liberté ?".

Laissez émerger les réponses, sans censure, sans jugement. Faites confiance à votre imagination, à votre intuition. Et osez un pas, même petit, dans cette direction. Puis un autre. Encore un autre.

Conclusion: le coeur est un oiseau
Cette quête d'équilibre entre sécurité et liberté, me fait penser à cette magnifique chanson de Richard Desjardins, "Le cœur est un oiseau". Vous la connaissez sûrement, c'est un véritable hymne à la liberté intérieure qui résonne profondément avec notre thème d'aujourd'hui.

Qu'est-ce que cela signifie au juste, "Le cœur est un oiseau" ? Pour moi, cela veut dire que notre cœur, comme un oiseau, a besoin à la fois de liberté et de sécurité pour s'épanouir pleinement.

Liberté d'explorer, de découvrir, de s'envoler vers de nouveaux horizons. Mais aussi sécurité d'un nid, d'un ancrage, d'un lieu où se ressourcer et se reposer.

C'est ce subtil équilibre entre ces deux besoins fondamentaux que nous cherchons tous, chacun à notre manière. Et c'est en apprenant à écouter et à honorer ces deux élans de notre cœur que nous pouvons tracer notre propre voie d'épanouissement.

Puisse cet épisode vous avoir inspiré sur ce chemin de liberté... sécuritaire! Des ailes pour vous déployer et d'un nid pour vous ressourcer! :)

A bientôt, avec tendresse.
Pascale

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